Faust minimal

Jérôme Lèbre

pp. 117-132

Hegel a saisi dans la figure « plaisir et nécessité » de la Phénoménologie ce qui ne pourra qu’énerver Goebbels : Faust, revu par Goethe, fait s’effondrer son propre mythe. La fameuse formule « deviens ce que tu es », bien loin d’affirmer que chacun peut trouver en lui une puissance infinie anéantissant tous les obstacles, pose plutôt la limite où l’être singulier s’affirme en s’épuisant : « tu es au bout de compte – ce que tu es ». C’est pourquoi cette figure hégélienne est explicitement « la plus pauvre » : elle sonne le glas de toute héroïsation. Le seul drame qui se joue ici, c’est celui de l’individu moderne, qui ne peut plus incarner de puissance éthique, qui en sait trop en ne sachant rien et se trouve sans cesse renvoyé à l’armature de son « existence profane » : son désir devrait au mieux le réconcilier avec l’éthique de la famille, mais elle lui fait plutôt toucher sa propre mort, tout en le renvoyant à la nudité de sa vie. C’est bien ainsi que Faust, comme le dira Valéry, « porte l’amour jusqu’où il n’a jamais été ».

Publication details

DOI: 10.4000/rgi.1618

Full citation:

Lèbre, J. (2016). Faust minimal. Revue germanique internationale 24, pp. 117-132.

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